lundi 16 mars 2020

Le silence à l'heure du Coronavirus, Rilke et ses lettres

On ne s'y perdra pas, on en reviendra un jour. Au final, la pandémie qui sévit partout dans le monde nous fera voir les choses d'un oeil plus clair, plus pur, plus vrai, et nous reconnaitrons qu'il est bon de ralentir, pour mieux veiller sur soi et sur les autres.

 

La semaine, j'ai été malade pendant trois jours. Je n'étais pas confiné à la maison, mais dans mon corps. Confiné dans mon corps, partout où j'allais. Dormir le jour, travailler la nuit. Gober des médicaments pour guérir au plus vite, boire de l'eau, de la tisane, manger des fruits, dormir, lire, regarder des films. Trois jours durant. Pendant ce temps, mon travail prenait du retard et je désertais mes amis (ils m'ont pardonné). Néanmoins, seul chez moi, je suis heureux car je dispose du silence et de l'espace pour souffrir en paix.

 

À un ami, je faisais récemment la remarque que mon piano et ma table tournante (platine ou tourne-disque pour mes amis français) sont plus silencieux qu'à l'accoutumée. J'ai besoin de silence, lui intimais-je, ajoutant que même dans la voiture j'écoutais rarement de la musique. Est-ce le fait de vieillir qui réclame de tels impératifs? Et à si forte dose? Je ne m'en plains pas, j'essaie simplement de trouver une explication.

 

*

 

Dans une lettre à Friedrich Westhoff (29 avril 1904), Rilke, 29 ans, écrit :

Prendre l'amour au sérieux, souffrir et l'apprendre comme un travail, c'est cela, Friedrich, qui fait défaut aux jeunes personnes. — Les gens ont mal compris, comme tant d'autres choses, la place de l'amour dans la vie, ils en ont fait un jeu et un plaisir, parce qu'ils croyaient qu'on trouvait dans le jeu et le plaisir plus de félicité que dans le travail; or il n'y a rien qui procure plus de bonheur que le travail, et l'amour, justement parce qu'il est le suprême bonheur, ne peut pas être autre chose qu'un travail. — C'est pourquoi celui qui aime doit essayer de se comporter comme s'il avait un grand travail à faire : il doit rester longtemps seul, rentrer en lui-même, se concentrer et se contenir; il doit travailler. il doit devenir quelque chose!

Aucun commentaire: