(Photo : Éditions Finitude) |
L'année 2018 marque pour moi la découverte de quelques écrivains magnifiques. L'un d'eux est Georges Perros (1923-1978), écrivain français dont la voix fait magnifiquement écho à mes préoccupations de lecteur et d'écrivain.
Bien qu'il ait fait ses débuts comme acteur, Georges Perros troque rapidement les planches pour la plume, laquelle répond mieux à son rythme de vie. Écrivain et surtout poète, il griffonne en tous lieux aphorismes, réflexions et autres notes à l'emporte-pièce. Ses textes dévoilent une personnalité difficile et parfois négatrice. On y apprend que les victoires se paient cher et que les défaites (surtout les cuisantes) entérinent les limites douloureuses de la vie. Gaillard humble, amoureux désagrégé, ce quasi-taciturne ne manque pas de déclarer son inclination fragile pour la femme, l'écriture, la solitude...
Publié en 1960, le premier volume des Papiers collés (qui sont au nombre de trois) confirme un esthéticien de premier ordre. Entre les séances d'écriture, Perros mène une vie qui l'enfuit, asservi au labyrinthe de la pensée. Rebelle à l'instar des grands poètes, fragile comme le musicien, ce « mauvais garçon » de la littérature française affiche un pessimisme qui passerait pour nihiliste s'il n'était de sa capacité à embrasser pleinement sa vulnérabilité. Au reste l'écriture, et plus exactement la poésie, lui permettent de vivre en artiste véritable. Entres autres, Perros excelle à rendre à la nuit, aux femmes, aux hommes ses charmes discrets, oubliant au passage — et c'est tant mieux — tout ce qui est sourd au silence de la vérité.
J'ai tiré ici quelques extraits de Papiers collés.
Aimer, c'est donner à quelqu'un le droit — sinon le devoir — de nous faire souffrir.
*
Le mauvais comédien indispose.
Le bon tranquillise.
Le grand inquiète.
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La poésie donne le plaisir de ne pas avoir à comprendre [...].
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Écrire est l'acte le plus riche, le plus « engageant », celui qui entraîne le plus d'éléments dans son mouvement. Auprès duquel une action pure et simple n'est que bagatelle. Si Napoléon avait pu devenir Chateaubriand, il n'aurait pas choisi ce pis-aller qu'est l'héroïsme civique et militaire. Dort, regrette, chez tout homme dit d'action, le grand poète qu'il a manqué d'être.
Papiers collés
George Perros
216 p.
L'Imaginaire (Gallimard)
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