(Photo : Amélie Fortin) |
Le pianiste québécois Philippe Prud’homme s'est entretenu avec moi pour jaser de sa tournée Instinct de vie — tournée est, actuellement en cours dans la province et ailleurs. Au total 12 concerts qui lui donneront l'occasion de se produire en Gaspésie, à Carleton-sur-Mer et, bien sûr, à Montréal le 5 décembre prochain, à la salle Joseph Rouleau du Plateau Mont-Royal.
CP — Le programme de ta tournée comprend des œuvres assez dramatiques — notamment la Sonate pour piano no 4 de Prokofiev, la Vallée d’Obermann de Liszt, trois Études et cinq Préludes de Scriabine, la Deuxième Ballade de Chopin. Qu’est-ce qui t’a amené à choisir des pièces aussi « tragiques »?
PP — J'avais envie d'un programme fait de contrastes; des œuvres chargées émotionnellement et en même temps remplies d’espoir et dont l’esprit propose de l'humanité en bloc, de la résilience et, bien sûr, de l’amour.
CP — Cela ne serait-il pas trop « chargé » pour l’auditeur néophyte?
Non, je ne pense pas. Je prends le temps de raconter brièvement le contexte de chaque pièce et sa place dans l'histoire de la musique. Cela rend le message musical encore plus lumineux, plus optimiste aussi. En ce sens, l’auditeur néophyte comme l’amateur passionné s’y retrouvera, s’y reconnaitra même, qui sait.
CP — Tu as choisi cinq Études et cinq Préludes de Scriabine. Pourquoi ces pièces, et pourquoi Scriabine?
PP — C’était une question de contraste, encore une fois. Les Études choisies [de Scriabine] sont des œuvres impétueuses et dionysiaques, tandis que les Préludes sont introspectifs, intimistes. Ces visions contrastantes me fascinent, rendant ces oeuvres encore plus mystérieuses. Les interpréter devient donc un défi encore plus grand pour le pianiste.
CP — Bien que slaves tous les deux, Scriabine et Prokofiev ont des personnalités fort différentes. Comment parvenir à les juxtaposer dans un même programme?
PP — En musique et en art, tout est possible. Si Scriabine est plus mystique et ésotérique, peut-être aussi plus sensuel, Prokofiev, lui, est un conteur dans le sens le plus théâtral du terme. Je crois qu'au-delà de leurs différences, ces compositeurs sont tous deux tributaires d'un esprit foncièrement classique. Dans les deux cas, il faut les aborder avec imagination. D'ailleurs, Prokofiev admirait beaucoup Scriabine.
CP — Tout au long de sa vie, Prokofiev a consacré plusieurs pièces au piano. Des sept sonates pour l’instrument, pourquoi avoir choisi la Quatrième?
PP — La Quatrième Sonate de Prokofiev est relativement peu jouée, et c’est bien dommage parce qu’il s'agit d'un trésor absolu. Cette pièce a été dédiée à son ami d’enfance qui s’est suicidé. Prokofiev, on le sait, est un compositeur dont la nature est fondamentalement optimiste. Or, le pianiste Sviatoslav Richter déclara un jour qu’il y a trois pièces tragiques dans l’œuvre du compositeur : le Deuxième Concerto pour piano, la Deuxième Sonate, et la Quatrième Sonate. Singulièrement, ces trois pièces ont été dédiées au même ami d’enfance. Le public reconnaîtra sûrement qu’en dépit de sa teneur dramatique, la Quatrième Sonate dégage une grâce et un sentiment de réconciliation très forts.
CP — Vraisemblablement, il n’y a pas de joie sans peine!
PP — Effectivement, la Quatrième Sonate le confirme bien! Même chose pour les autres oeuvres de mon programme, notamment La Vallée d'Obermann de Liszt et l'Étude-Tableau op. 33 de Rachmaninov.
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Philippe Prud'homme interprétera également une oeuvre québécoise: D'Après Pergolese de Marc-André Hamelin, un arrangement du célèbre morceau lyrique Se tu m'ami de Giovanni Battista Pergolesi (1710-1736). Cette pièce trahit la personnalité plus intimiste, plus sensuelle de Marc-André Hamelin, que beaucoup de gens associent encore à ses habiletés de pianiste hypervirtuose. « Cette pièce n'a rien de pyrotechnique » lance Prud'homme, ajoutant qu'elle permet, au début de la seconde partie du concert, de « souffler un peu ».
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Originaire de Saint-Jérôme, Philippe Prud'homme a été l'élève de Gilles Manny et de Dang Thai Song. En 2009 et 2013, il remporte les premiers prix du Concours de Musique du Canada, et en 2012 celui du Concours de la Société de musique contemporaine de Montréal. Artiste protéiforme, il interprète depuis 2012, en collaboration avec des comédiens de renom (dont Jacques Godin), des mélodrames musicaux de compositeurs classiques (Schubert, Schumann, Liszt, Strauss, Poulenc).
Philippe Prud'homme, pianiste
En concert à Montréal à la Salle Joseph-Rouleau
305 av. Mont-Royal Est
Mercredi 5 décembre à 19 h
Billets en vente sur le site des Jeunesses Musicales Canada.
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