Nombre de mes lecteurs atterrissent ici par le biais de Facebook. Suite à la publication de mon billet sur pourquoi je suis reconnaissant tous les jours de ne pas être un père, l'un de mes lecteurs, lui-même père de famille, m'a posé la question suivante : « Qu'est-ce qui te fait croire que tu n'en aurais que le talent [d'être père], qu'il vaut mieux que ton talent reste inexploité ? » Aussitôt, j'ai hasardé une réponse, que je partage aujourd'hui avec mes lecteurs. Qui sait, l'un de vous s'y reconnaîtra...
Mon amour des enfants, mon besoin d'être constamment branché à l'enfance, la mienne et celle d'autrui, trahit une préoccupation tenante pour ma propre enfance, qui est la source de toutes mes inspirations : peur, doute, création artistique, gratitude, etc. Ce besoin d'être constamment dans le « berceau » me rend, d'une certaine manière, peu enclin à vivre la paternité sur le long terme. Bien que je reconnaisse chez moi une volonté de père, un amour du patriarche, je ne peux envisager l'engagement paternel de façon sérieuse parce que celui-ci, tôt ou tard, fera obstacle à la liberté créatrice (i.e. le temps consacré à écrire, occupation prioritaire entre toutes). Du reste, bien que j'aime puissamment ma fratrie et mes parents, je ne suis pas très « famille ». Voilà, je ne fais qu'effleurer ta question, mais j'espère que cela répond tout de même un peu !
Dans la Lettre au père, traduite par Marthe Robert, Kafka s'exprime sur son incapacité d'envisager le rôle de père — lequel, à cette époque, est intimement lié au mariage.
S'il en est ainsi, pourquoi ne me suis-je pas marié ? Là comme partout, il y avait des obstacles particuliers, mais la vie consiste précisément à savoir les accepter. L'obstacle essentiel, malheureusement indépendant de chaque cas isolé c'est que je suis, de toute évidence, spirituellement inapte au mariage.
Du reste, comme je l'ai mentionné, je ne fais ici qu'effleurer la question. Écrire à propos de la famille est toujours risqué, c'est pourquoi on me rappelle souvent qu'il est important de soupeser ses propos. Je ne dispose pas spontanément de ce scrupule, mon amour de la vérité en est pour quelque chose, je pense.
Enfin quelques mots sur mon père. J'aime mon père, mais il n'a jamais été — et ne sera jamais — le modèle d'un bon père pour moi, ce modèle du père idéal, je dois le créer chaque jour en musique, en mots, en silence, et dans le soutien et l'écoute que j'offre à mon prochain. Je crois être en paix avec ce que j'avance à propos de mon père, parce que je suis malgré tout reconnaissant de ce qu'il a fait pour moi, les bonnes choses comme les trucs méchants.
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