Le 16 février dernier, est mort le guitariste, pédagogue et auteur-compositeur-interprète québécois Mario Chénart.
En 1997, avec son album Boucler le siècle, il remportait le Félix de l'auteur-compositeur-interprète de l'année. C'est une bien grande perte pour l'industrie de la musique au Québec.
Retour en arrière. Les années 2000 et 2001 correspondent à une période de crises identitaire et personnelle importantes pour moi. Fin vingtaine, je ne savais pas qui j'étais, encore moins ce pour quoi j'étais fait. La quête du vrai m'épuisait, le pur m'effrayait. Dans l'espoir de devenir un meilleur musicien, mais surtout de m'extraire d'un profond sentiment de désespoir, je buvais chaque jour des milliers de notes de musique via mon casque d'écoute. Un soir de l'été 2000, au Cabaret du Musée Juste pour rire, les auteurs-compositeurs-interprètes Mario Chénart et Nelson Minville se produisaient sur scène en formule acoustique. Si le second charmait le public par ses chansons finement construites, le premier éblouissait par son talent de guitariste virtuose et sa voix de baryton. À un moment, seul avec sa six cordes acoustique, Chénart entonnait une pièce des plus personnelles. L'évocation doucereuse d'une enfance éblouie par la neige et les soirs d'hiver : Pour que la nuit soit blanche est le titre de cette chanson à la structure ABA, dotée d'un prérefrain absolument extraordinaire et d'un refrain presque trop beau pour être vrai. Pendant que je l'écoutais, c'est comme si je découvrais de nouveaux pans de l'art musical. Des progressions d'accord inattendues me saisissaient de l'intérieur, en contrepoint aux mélodies si parfaites et si belles, presque novatrices à mes oreilles, qu'il me fallait me rendre à l'évidence que j'avais devant moi un compositeur et un musicien de très grand talent. Ma première audition de la chanson me marquait si fort qu'au retour à la maison, je m'informais des dates des prochains concerts du duo. C'est que Pour que la nuit soit blanche ne figurait sur aucun album, par conséquent le seul moyen de l'entendre était d'assister au spectacle de l'artiste. Deux semaines plus tard, dans un petit amphithéâtre du Vieux-Terrebonne, j’attendais patiemment que Chénart entonne les premiers accords de la chanson espérée. Anxieux, je craignais à un moment que, pour une raison ou une autre, il ait choisi de la retirer de son programme. Heureusement, au beau milieu du concert, Pour que la nuit soit blanche se déroulait devant moi pour mon plus grand bonheur. Après la prestation, je m'entretenais avec Mario Chénart lui-même, lui intimais combien sa pièce me « dérangeait profondément » (dans le meilleur sens du terme, bien sûr), qu'elle était la première responsable de ma deuxième présence à ses concerts en autant de semaines. Son visage trahissait une gratitude sincère comme celle d'un enfant. En revenant à la maison, j'avais en tête les mélodies, les progressions d’accord et le somptueux prérefrain fraîchement entendu.
En 1997, avec son album Boucler le siècle, il remportait le Félix de l'auteur-compositeur-interprète de l'année. C'est une bien grande perte pour l'industrie de la musique au Québec.
Retour en arrière. Les années 2000 et 2001 correspondent à une période de crises identitaire et personnelle importantes pour moi. Fin vingtaine, je ne savais pas qui j'étais, encore moins ce pour quoi j'étais fait. La quête du vrai m'épuisait, le pur m'effrayait. Dans l'espoir de devenir un meilleur musicien, mais surtout de m'extraire d'un profond sentiment de désespoir, je buvais chaque jour des milliers de notes de musique via mon casque d'écoute. Un soir de l'été 2000, au Cabaret du Musée Juste pour rire, les auteurs-compositeurs-interprètes Mario Chénart et Nelson Minville se produisaient sur scène en formule acoustique. Si le second charmait le public par ses chansons finement construites, le premier éblouissait par son talent de guitariste virtuose et sa voix de baryton. À un moment, seul avec sa six cordes acoustique, Chénart entonnait une pièce des plus personnelles. L'évocation doucereuse d'une enfance éblouie par la neige et les soirs d'hiver : Pour que la nuit soit blanche est le titre de cette chanson à la structure ABA, dotée d'un prérefrain absolument extraordinaire et d'un refrain presque trop beau pour être vrai. Pendant que je l'écoutais, c'est comme si je découvrais de nouveaux pans de l'art musical. Des progressions d'accord inattendues me saisissaient de l'intérieur, en contrepoint aux mélodies si parfaites et si belles, presque novatrices à mes oreilles, qu'il me fallait me rendre à l'évidence que j'avais devant moi un compositeur et un musicien de très grand talent. Ma première audition de la chanson me marquait si fort qu'au retour à la maison, je m'informais des dates des prochains concerts du duo. C'est que Pour que la nuit soit blanche ne figurait sur aucun album, par conséquent le seul moyen de l'entendre était d'assister au spectacle de l'artiste. Deux semaines plus tard, dans un petit amphithéâtre du Vieux-Terrebonne, j’attendais patiemment que Chénart entonne les premiers accords de la chanson espérée. Anxieux, je craignais à un moment que, pour une raison ou une autre, il ait choisi de la retirer de son programme. Heureusement, au beau milieu du concert, Pour que la nuit soit blanche se déroulait devant moi pour mon plus grand bonheur. Après la prestation, je m'entretenais avec Mario Chénart lui-même, lui intimais combien sa pièce me « dérangeait profondément » (dans le meilleur sens du terme, bien sûr), qu'elle était la première responsable de ma deuxième présence à ses concerts en autant de semaines. Son visage trahissait une gratitude sincère comme celle d'un enfant. En revenant à la maison, j'avais en tête les mélodies, les progressions d’accord et le somptueux prérefrain fraîchement entendu.
La chanson de Chénart m'habitait si fort que quelques semaines plus tard, assis au piano, j'accouchais d'une pièce à l'architecture et à l'atmosphère fort similaires. Complétée en deux jours, La Neige est frivole devenait mon complément chansonnier à l'inspiration fournie par Chénart. Aux premiers mois de l'année 2001, j'avais composé pas moins d'une dizaine de chansons, lesquelles confirmaient mon besoin de monter sur scène le plus rapidement possible; il y avait trop longtemps que je faisais silence. De ces pièces, La neige est frivole est probablement celle qui m'insufflait le plus ardemment le courage de vaincre la crise identitaire, de ne pas avoir peur de l'adversité. Pour être honnête, je n'en étais pas peu fier, et chaque fois que je la chantais, un étrange sentiment de libération, d'envoûtement, voire une souffrance lumineuse me traversaient. À ma grande surprise, la réception des gens était excellente. Or, personne ne savait que c'est à Mario Chénart que j'étais redevable de l'inspiration pour sa création.
Au delà de sa musique, Mario Chénart laisse une marque indéfectible pour son implication soutenue à la vitalité de la chanson québécoise et aux droits de ses créateurs, ayant notamment été président de la SPACQ de 2007 à 2012.
Merci M. Chénart de m'avoir convaincu d'écrire des chansons et, surtout, de m'avoir indirectement montré comment le faire.
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