Un livre magnifique m'accompagne depuis plusieurs années. Ce livre, que je n'arrive pas à ranger dans ma bibliothèque, parce qu'il est constamment posé près de mon lit ou sur ma table de travail, est le Dictionnaire égoïste de la littérature de Charles Dantzig, massif livresque publié en 2005 chez Grasset, lauréat du Prix Décembre, et repris depuis quelques années dans le Livre de Poche.
Véritable manne pour le livrophage ou l'amoureux de littérature, ce dictionnaire regorge d'anecdotes et d'extraits savoureux. J'en partage deux de suite.
Véritable manne pour le livrophage ou l'amoureux de littérature, ce dictionnaire regorge d'anecdotes et d'extraits savoureux. J'en partage deux de suite.
Nous ferions bien d'avoir un peu moins d'idées, et un peu plus de pensée. (in Idées)
La fiction a l'avantage de pouvoir nous faire rencontrer et observer des gens sans que nous ayons à les fréquenter. [...] La fiction, c'est de la confiance. Du lecteur envers l'auteur. Il admet le principe de départ que c'est inventé et ne demande qu'une chose : que, à l'intérieur de cette convention, l'auteur ne le trompe pas. (in Fiction)
Et ce ne sont que deux perles parmi des milliers. En 1150 pages, le Dictionnaire égoïste de la littérature établit une chronique encyclopédique — souvent subjective, et c'est ce qui le rend si vibrant, si agréable à lire — de dix siècles de littérature. Grâce à lui, chaque soir ou presque, depuis cinq ans, je découvre de grandes et belles vérités intérieures sur ma vocation de lecteur et d'écrivain. Ah! cher monsieur Dantzig, si vous saviez la joie que vous me procurez avec vos secrets littéraires partagés et votre érudition magnanime. Une chose est sûre, c'est que le Dictionnaire égoïste est un livre d'amour. Et si je n'ose pas lui coller l'attribut de bible, c'est qu'il n'a pas la prétention de s'engager à une fonction définitive. Mieux, il revendique une irrévérence gracieuse — presque toujours gracieuse, l'irrévérence mêlée au génie. En outre, il s'y dégage des aspects de la géométrie, de l'architecture, du voyage, du théâtre, de la zoologie et de la musique. Dantzig est un épicurien savant, un collectionneur d'images et d'anecdotes, un scripteur d'impudeurs célestes de la littérature et un amoureux de la vie. De cette oeuvre magistrale, on sort plein d'une solitude lumineuse, rassuré de ce que les Lettres, si vaines et nécessaires, sont faites par des hommes et des femmes, par des gens comme vous et moi. Rassurant, je vous dis.
Je termine avec ces extraits:
Une suite n'est pas nécessairement moins bonne qu'un original, mais il y a de fortes chances que ce soit le cas, car elle est moins fraîche pour l'auteur. (in Maistre, Xavier)
Quand on ne trouve pas de bonne formulation, c'est généralement que la chose n'est pas bonne à dire. (in Creative Writing)
Si vous parlez d'une baleine, inutile de préciser qu'elle est grosse. C'est ce genre d'exagération qui rend Moby Dick si souvent grotesque. (idem)
Je n'aime pas plus les bibliothèques publiques que je n'aime qu'on me prête des livres. Un livre, c'est à soi, non par instinct de possession, mais parce que nous y découvrons un morceau de nous-mêmes. (in Bibliothèques)
Un écrivain n'aime pas plus les mots qu'un menuisier les clous. Un mot est un objet dont il se sert pour créer un autre objet nommé phrase, laquelle donnera son utilité, au mot; un mot inusité n'a pas d'utilité. [...] Les mots sont faits pour cacher la pensée. (in Mots)
Dictionnaire égoïste de la littérature
Charles Dantzig
1147 pages
Ed. Le Livre de Poche
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