L'auteur-compositeur-interprète Victor Jara, torturé et assassiné en septembre 1973 par la junte militaire de Pinochet |
Je reviens du Darling, chic bar-café du Plateau Mont-Royal. Il y a quelques semaines déjà que ses plantes et ses livres me l'ont fait adopter. Il s'en trouve d'ailleurs d'excellents ; l'autre soir, je lisais d'un trait Autobiographie de Régis Jauffret, plaquette sulfureuse sur la vie d'un narcissique pervers que rien n'effraie ou presque.
Le Chili est le pays où je suis né, où mes parents sont nés, se sont rencontrés et mariés. C'est aussi le pays duquel j'ai immigré lorsque j'avais quatre ans. En écrivant le nom de mon pays, me saisit une sensation étrange, sorte de vide glacial, de flux inopérant. Pas de fièvre ni de réjouissance particulière, mais une absence presque totale d'un sentiment d'appartenance. Néanmoins, je ressens la présence d'un fil rouge, frêle et ténu, ou une preuve invisible de ma reconnaissance pour le legs culturel de mon pays, lieu premier de ma révélation de la littérature, d'abord les poèmes de Pablo Neruda, et de la chanson, elle qui fut tatouée en mon coeur grâce à la musique de Victor Jara, Inti-Illimani et Violeta Parra. Tout le reste, la politique, l'histoire, les paysages, le Coup d'État, me laisse indifférent.
Si je suis parvenu un jour à reconnaître mon Chili, à identifier le Chilien que je suis, celui-là indéracinable du Québécois, de l'homme, de l'artiste, c'est exclusivement grâce à ces artistes et à leurs oeuvres. Mes parents avaient beau me parler du pays et de ma famille, toujours en espagnol, cette langue que je parle comme on boit du lait, c'est-à-dire avec un automatisme qui trahit mon manque d'application pour elle, que cela ne me faisait ni chaud ni froid. L'art seul m'aura permis de connaître ce pays. Autrement, il ne représenterait pour moi pas plus qu'un long et étroit bout de terre.
L'une de mes chansons préférées de Victor Jara est Te recuerdo Amanda.
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