mardi 23 février 2016

Contrepoint d'Anne Enquist

Mon dentiste, qui est un féru de musique et de littérature, m'a incité cette semaine à publier un article écrit il y a quelques années sur le très beau roman Contrepoint de l'écrivaine néerlandaise Anna Enquist. 


En musique, le contrepoint désigne le développement d'une mélodie parallèlement à une autre. Contrepoint, ma première incursion dans l'univers d'Enquist, traite du lien ténu entre une mère et sa fille et, en contrepoint, de la musique de Jean-Sebastien Bach. En premier lieu, la mère, une pianiste que l'auteure appelle la « femme », travaille avec application les Variations Goldberg de Bach. Ceux qui les connaissent comprennent qu'elles aient pu inspirer l'écrivaine : la perfection formelle de ces pages de musique suscite une fascination qui n'a de cesse d'inspirer la littérature (on se souviendra de Nancy Huston et son roman Les Variations Goldberg, entres autres). L'Aria suivi de trente variations découpent ce roman à la construction soignée; en exergue à chacun des chapitres les premières mesures de la variation correspondante; ainsi, j'écoutais, avant chacun d'eux (et non pendant!), une variation de Bach; ici, Glenn Gould et son célèbre enregistrement de 1981 étaient mes alliés, choix inéluctable et néanmoins déchirant, car l'oeuvre est très bien servie par le disque (parmi les meilleures interprétations nommons, au piano : Murray Perahia, Rosalyn Tureck, Glenn Gould, Evgeny Koroliov; et au clavecin : Pierre Hantai, Ralph Kirkpatrick, Gustav Leonhardt...) L'expérience parallèle me saisissait et me permettait  en quelque sorte la redécouverte du chef-d'oeuvre du Cantor. Jamais mon iPod ne fut aussi sollicité pendant la lecture d'un roman!

Il est délicieux de voir que pour chaque chapitre/variation, l'auteur tisse les circonstances, fictives et fort pertinentes voire probables, de la composition des variations de Bach :  analyses oniriques et musicales à même une perspective herméneutique et personnelle de cette musique. Anna Enquist discoure aussi bien de musique qu'elle fixe tout en justesse les évocations du passé fragile des principaux protagonistes du roman, passé dans lequel la peur et le doute figurent au premier plan. Le lecteur qui possède une bonne connaissance de la musique classique verra son plaisir décuplé. Pour celui qui ne la connaît pas, mais qui aurait envie de l'approfondir, Contrepoint — qu'on aura tort d'associer trop directement et unilatéralement au chef-d'oeuvre de Bach — est une chance à saisir. 

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