samedi 11 novembre 2023

Quelques mots sur mon père

Très souvent, devant l'écritoire, la pensée que le besoin pressant d'écrire me fige et m'empêche de plonger dans la profondeur vraie. Jusqu'à ce qu'une phrase, une seule, libère l'écriture comme les vannes un grand secret : Par où commencer

Depuis la mort de mon père (24 février 2022), pratiquement tous mes repères ont perdu de leur sens, pour ne pas dire de leur utilité. C'est comme si la mort du paternel entérinait chez moi le goût de l'échec, en d'autres termes l'envie inavouable de faire un peu pitié. En 2005, secoué par une crise identitaire, celle de la mi-trentaine, je déclarais à mon père qu'aucun de ses six enfants ne le connaissait réellement. Assis à ma droite, mon grand frère, tombant des nues, corrobora immédiatement. Toute sa vie, mon père s'est efforcé de dissimuler sa fragilité. Il n'est pas étonnant que depuis l'enfance, je me sois protégé de cet homme beau et fier. Je devinais ses secrets, ses peurs, ses hésitations, qu'il n'osait révéler. Et chaque jour j’espérais qu'il montre sa vulnérabilité, son vrai moi. 

En 2005, lui et moi nous rapprochions. Je comprenais alors que la dissimulation de son émotivité était moins chez lui une protection qu'une façon sans artifice de vivre. Comme tant d'hommes, mon père, sa vie durant, fut plus occupé à survivre qu'à vivre, parvenant néanmoins a respecter certaines de ses limites, bien souvent au détriment d'autrui. Beau temps mauvais temps, il demeurait convaincu de la nécessité de se prémunir contre le pire.

La première fois qu'il m'a dit je t'aime, j'avais 30 ans; c'était par courriel. J'avais braillé un coup, y croyant à peine. Il n'est jamais trop tard pour ouvrir son coeur; je parle ici du mien, bien sûr. En écrivant ces lignes, je réalise que son amour m'a longtemps fait peur. C'est que je craignais que cet amour, aussitôt manifesté, disparaisse dans la seconde. 

Il n'y a pas de honte à le dire, mon père, depuis qu'il n'est plus de ce monde, est plus présent que jamais. Il y a quelques mois, une rencontre avec une naturothérapeute me permettait de débloquer un truc important à l'intérieur. Ce truc important avait à voir avec mon père. Séchant mes larmes après la séance, je sentis une profonde paix intérieure. Et mon esprit soudain claironnait ces mots : j'entre maintenant dans une période de grand bonheur. 

Je ne pensais pas écrire sur mon père ce matin. Entre les doutes et les marasmes, la certitude suivante : jamais je n'aurais pensé qu'il était possible d'aimer son père à ce point. Toute rétrospective est importante en ce qu'elle amène le recul nécessaire à la révélation du vrai. Je sais aujourd'hui que mon père m'a aimé de toute son âme. J'ignore à quel point il aurait souhaité que je lui démontre mieux mon amour. Qu'importe, il me connait assez bien pour comprendre qu'il m'est plus facile de le faire aujourd'hui. Au reste, la paix prend du temps. 

Publier ici m'a manqué. Le présent billet est comme un appel aux vents nouveaux. 





6 commentaires:

  1. Merci pour. Pour ce beau mesage .y.por el homenaje ...yo.tambien lo quiero mas de lo.pensaba
    Gracias

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  2. Merci de votre lecture. Qui êtes-vous?

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  3. Marie, merci infiniment de tes mots ce matin. Je ne sais si tu savais, mais mon père avait 89 ans lorsqu'il nous a quittés. Quelle geste important, pour lui et pour toi, que d'écrire cette lettre. Je ne savais pas qu'il t'avait ouvert la voie pour la musique. Nous pourrons parler de tout ça et bien d'autres choses lors de notre rencontre autour d'un café.
    Merci encore, Marie. À très bientôt! Claudio

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  4. Merci Claudio pour se beau partage.Tu sais combien de monde que j’ai vu vivre ça quelques jour avant leur mort.Très touchant 🙏🏻 namasté

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