jeudi 7 décembre 2017

Travailler pour un autre que soi

De la nécessité de garder les portes grandes ouvertes 




Du 2 octobre au 5 décembre, j'ai été à l'emploi d'une entreprise spécialisée en média automobile. Après 10 années comme pigiste, affublé des enjeux propres à la vie d'un travailleur autonome, je retournais, non sans étonnement, à une vie d'employé salarié dans un bureau. 

Bien qu'ils furent nombreux à me féliciter, la plupart de mes amis n'en revenaient pas. Toi, Claudio, retourner à horaire de 9 à 5, du lundi au vendredi ? Et moi de répondre que je me sentais fin prêt pour cette aventure, plus que mon impatience de travailler avec une équipe de professionnels de l'automobile n'était pas feinte. 

Pour que j'accomplisse mon travail de rédacteur-journaliste, mon employeur me fournissait un ordinateur et un téléphone portable. En retour, j'espérais apporter à l'équipe mon expérience langagière et ma connaissance de l'automobile. Hélas, ni l'un ni l'autre n'ont reçu l'accueil attendu. Déçu ? Non, plutôt étonné. 

Pendant ces 9 1/2 semaines de travail (aucun clin d'oeil au film du même nom), ma vie avait  passablement changé. Debout à 6 heures tous les matins, couché vers 23 h pour m'endormir vers minuit (je fermais rarement l'oeil avant 1 h). En semaine je ne voyais personne, négligeant amis, livres et le piano. Le week-end, je dormais. 

S'il y a une chose que j'ai réalisé en travaillant dans un bureau, c'est que les pauses sociales entre collègues — conversations sur l'actualité, entretiens sur une série télé, jasette autour du dernier épisode de Tout le monde en parle — tout ça vous prend un temps fou, plus vous dérobe à la concentration. Je suis bien plus productif à travailler chez moi. D'autre part, j'étais stupéfié de voir autant de personnes rester au bureau après leur quart de travail. N'avaient-ils pas le temps d'accomplir leurs tâches durant leur quart ? Un jour, embarrassé de toujours quitter à l'heure, je plagiais mon prochain et décidais de rester, deux fois plutôt qu'une, un trente minutes supplémentaire. Avais-je du travail urgent à remettre? Non, pas du tout, seulement, je voulais montrer que je pouvais concéder aux lois non écrites de la vie de bureau. C'est alors que j'ai compris combien j'étais encore enclin à me trahir, m'assujettissant à la mort prématurée de mon âme en faisant comme les autres. 


Néanmoins, la boîte de communications automobiles m'a fait une grande faveur en me remerciant de mes services, le 5 décembre dernier — date du décès de Mozart, en 1791. Quelques minutes avant de m'annoncer la nouvelle, le patron aurait dissipé le mot à l'interne, soufflant à une collègue que mon travail était de qualité, mais que je ne fittais avec pas avec la vision de l'entreprise. Qu'à cela ne tienne, les tentatives de me brainwasher au Kool-aid corporatif se seront avérées vaines.     

jeudi 3 août 2017

Le Chili, lieu de naissance et de chanson

L'auteur-compositeur-interprète Victor Jara, torturé et assassiné
en septembre 1973 par la junte militaire de Pinochet
Je reviens du Darling, chic bar-café du Plateau Mont-Royal. Il y a quelques semaines déjà que ses plantes et ses livres me l'ont fait adopter. Il s'en trouve d'ailleurs d'excellents ; l'autre soir, je lisais d'un trait Autobiographie de Régis Jauffret, plaquette sulfureuse sur la vie d'un narcissique pervers que rien n'effraie ou presque. 


Le Chili est le pays où je suis né, où mes parents sont nés, se sont rencontrés et mariés. C'est aussi le pays duquel j'ai immigré lorsque j'avais quatre ans. En écrivant le nom de mon pays, me saisit une sensation étrange, sorte de vide glacial, de flux inopérant. Pas de fièvre ni de réjouissance particulière, mais une absence presque totale d'un sentiment d'appartenance. Néanmoins, je ressens la présence d'un fil rouge, frêle et ténu, ou une preuve invisible de ma reconnaissance pour le legs culturel de mon pays, lieu premier de ma révélation de la littérature, d'abord les poèmes de Pablo Neruda, et de la chanson, elle qui fut tatouée en mon coeur grâce à la musique de Victor Jara, Inti-Illimani et Violeta Parra. Tout le reste, la politique, l'histoire, les paysages, le Coup d'État, me laisse indifférent. 


Si je suis parvenu un jour à reconnaître mon Chili, à identifier le Chilien que je suis, celui-là indéracinable du Québécois, de l'homme, de l'artiste, c'est exclusivement grâce à ces artistes et à leurs oeuvres. Mes parents avaient beau me parler du pays et de ma famille, toujours en espagnol, cette langue que je parle comme on boit du lait, c'est-à-dire avec un automatisme qui trahit mon manque d'application pour elle, que cela ne me faisait ni chaud ni froid. L'art seul m'aura permis de connaître ce pays. Autrement, il ne représenterait pour moi pas plus qu'un long et étroit bout de terre.

L'une de mes chansons préférées de Victor Jara est Te recuerdo Amanda. 

jeudi 1 juin 2017

À bas le SEO - suivi d'une chambre à soi

Il y a longtemps que j'ai publié un billet personnel. Je le fais ce matin, après que l'aube me rappelle qu'il n'est jamais trop tard pour faire voeu de bonnes augures. 

Avant-hier, l'anniversaire de mon père. À 85 ans bien sonnants, mon père a   tous ses cheveux, sa tête un peu moins. Depuis quelques mois, la vieillesse malmène sa mémoire. Il reste lucide, mais cette démence dont on connait le nom et que je n'ose pas nommer, parce qu'un fils aime à penser que son père, si unique, est inapte à ces maladies qu'affligent tant de gens. Mon père, que je reconnais avec ses failles, ses incohérences, sa mégalomanie, mon père qui a attendu trente ans avant de me dire je t'aime — par courriel —, à l'époque où mes études universitaires réclamaient toute mon obligeance et ma volonté. Durant ces années d'études, mon père revenait comme un amour inespéré. 

En rétrospective, parce que nous sommes si différents lui et moi, je ne crois pas qu'il m'ait compris. En revanche, hier il me soufflait : « Mon affection pour toi est particulière ». C'était son anniversaire, il était incapable de se rappeler qui l'avait appelé. C'est peut-être mieux comme ça. 

(Je ne cherche pas à écrire un hommage ni à émouvoir. Je voulais commencer ma journée en écrivant un billet ici, dans ce blogue que je néglige au profit d'un autre, très différent de forme et de contenu (et qui est ici). En tapant les premiers mots, je ne savais pas que je parlerais de mon père.) 


Avant-hier encore, ma colocataire Christina, avec qui nous avons passé dix mois, quittait le sol canadien pour retrouver sa terre helvétique, la Suisse. Vers la fin de son séjour, je lui intimais que j'aurais aimé lui parler davantage de musique. Elle m'écoutait comme une chambriste attentive au moindre son. De père argentin, Christina, à son arrivée à Montréal, avait reconnu la mélodie de Alfonsina y el mar, classique d'Ariel Ramirez que je joue régulièrement à la maison. Quelques jours plus tard, elle copiait de sa main les paroles de la chanson. L'écriture manuscrite est à la littérature ce que l'odeur est à la chair. 

On ne connait une personne que lorsqu'on connait sa musique.  

Mon commencement de l'été est tributaire du retour d'un étrange sentiment de honte. Honte de se raconter, de ne pas se raconter, de vivre en marge des êtres et des choses, de manquer de courage, d'hésiter à vivre, honte de mon besoin de solitude, honte d'aimer à ce point la nuit, lieu d'instances philosophiques et mémorial des jouissances de la dérobation. 


J'ai passé les deux dernières semaines sans pouvoir me concentrer sur le travail intellectuel. En écope largement la lecture, que j'ai négligée au profit de rien, vraiment rien. Hier soir, après le départ de Christina, je m'appropriais sa chambre, plus éclairée, plus soyeuse, plus féminine que la mienne. Tout homme littéraire qui s'installe dans un nouvel espace de travail et de repos aura une pensée pour Virginia Woolf. 

Hier, pour la première fois en plusieurs semaines, je retrouvais la lecture, sacro-sainte lecture. Merci la vie. 

vendredi 5 mai 2017

Réseaux non sociaux

Trop de bruit, pas assez de musique, pas assez de silence. J'ose croire que mon aversion des réseaux sociaux est antérieure aux réseaux sociaux eux-mêmes. Trop d'ostentations inutiles, de démonstrations d’égos. Ce qui m’attriste le plus est que ce courant entraîne de plus en plus de gens — moi inclus. 

D'une génération à une autre, le besoin de reconnaissance est supplanté par le besoin de dire qu'on existe.  

Le temps est dépressif, le temps est singulier, le temps est instable. Avril aura claironné d'un temps nauséabond, comme un pamphlet rempli de coquilles. 

Ces dernières semaines, j'ai souvent pensé à ce qu'une traductrice chevronnée m'avait dit, il y a quelques années : L'Homme est le plus vulnérable des mammifères.     

Sur ces mots, je retourne au café, aujourd'hui mon meilleur médecin. 

mardi 2 mai 2017

Croche Blanche - un antidote au printemps qui se cherche

Photo du groupe sur leur page Facebook
Au café pour un latté nocturne, après avoir parcouru les librairies du Plateau, à la recherche de livres qui me feront oublier qu'il n'y a pas que le travail et les comptes à payer. 

En revenant de la librairie l'Échange, je marche sur l'avenue Mont-Royal, passe devant le Café Noir, y vois/entend un quatuor jazz qui crache un très groovy et joyeux Avalon d'Irvin Berlin. C'est trop bien, cette pièce, et l'interprétation qu'en fait la formation, dans un café si miteux, si délabré qu'il me rappelle quelques pages décadentes de Raymond Carver. Mais grâce à la magie du quatuor, l'endroit renaît de ses cendres. Croche Blanche est le nom de la formation - guitare principale, guitare accompagnement, contrebasse et trompette/voix. Si j'eus été impresario, j'aurais pris le quatuor sous mon aile, lui aurais fourni nourriture et transport le temps d'une tournée dans quelques villes. Après les shows nous aurions bu quelques verres d'alcool et fait plus ample connaissance.  

L'amour est bon quand la musique est avec lui. L'amour est bon la nuit. La musique c'est pour la nuit, avec ou sans l'amour. 

Voilà qu'en furetant sur la toile, je suis arrivé à leur page Facebook. Allez-y sans trop attendre : https://www.facebook.com/Croches-Blanche-175951036117493/



mardi 4 avril 2017

Yvon Rivard et quelques exercices d'amitié

Le printemps vient tout juste d'arriver et voilà que je médite sur l'hiver, ses ambivalences et ses difficultés. J'ai trouvé cet hiver particulièrement difficile, j'en exposerai les raisons dans un billet ultérieur. L'hiver et le froid plombent le corps, et parfois la mémoire. Certains esprits en profitent pour faire table rase. Pour créer, il faut détruire, disent les philosophes. 

Laissez-moi partager ici une entrevue (extrait d'un long  entretien, je suppose) qu'accordait l'écrivain Yvon Rivard à Laurence Gough. J'écrivais un article professionnel quand la vidéo m'est apparue (on le sait, le travailleur autonome ne démord que rarement des réseaux sociaux). Tour à tour, les propos de Rivard figurent comme une réminiscence de la pensée de Rilke, de Hermann Hesse, peut-être aussi de Dostoievski. En novembre dernier, au Salon du livre de Montréal, je parcourais les premières pages de son Exercices d'amitié, lequel, pendant de longues minutes, me dérobait complètement de l'effervescence du Salon. Je me souviens, je n'avais pas acheté ce livre parce que je tenais à conserver ce moment de bonheur au stade d'immatérialité. Aujourd'hui, je me dis que ce n'était pas une bonne raison de ne pas passer à l'acte, considérant la valeur que j'accorde depuis toujours à la spontanéité. Pour l'entrevue c'est ici

Merci à Laurence Gough pour cette excellente vidéo.

samedi 11 mars 2017

Mes bottes Hunter


La firme Hunter produit des bottes confortables au style attrayant. En janvier 2016, je me laissais tenter par un de leurs produits. Quelques mois plus tard, mes Hunter commençaient à souffrir d'érosion, accumulant entretemps des trous sur les surfaces caoutchoutées — pas très pratique en cas de pluie. Avec les encouragements de mon excellente amie Nathalie, j'ai écrit à la firme, qui m'a demandé de leur envoyer quelques photos. Après deux courriels de suivi et huit semaines d'attente, j'obtins finalement gain de cause. Cette semaine, Hunter m'a confirmé l'envoi d'une toute nouvelle paire de bottes pour hommes. 


J'encourage tous ceux et celles qui rencontrent des problèmes similaires aux miens d'écrire à la firme. Ici, comme partout ailleurs, il suffit d'être (super) gentil. 



Tiens, pour le plaisir du partage, voici un vieux proverbe chilien :  Si le bébé ne pleure pas, comment peut-on savoir lorsqu'il faut le nourrir? 

dimanche 5 février 2017

Le garçon de Marcus Malte - un abandon pour moi

Comme certains d'entre vous, il m'arrive à l'occasion d'être porté par les choix des jurés des prix littéraires. Plus Renaudot que Goncourt, plus Prix des libraires que Prix du GG, j'avoue être particulièrement sensible, chaque année, à la sélection du juré du prix Femina (comment oublier le très beau Canada de Richard Ford, Prix Femina étranger 2013, ou encore Baisers de cinéma d'Eric Fottorino, gagnant du Femina 2007.) En ce début d'année, Le garçon de Marcus Malte, un pavé de plus de 500 pages, lauréat du Fémina 2016, m'attire depuis que j'ai lu l'excellente critique de Pierre Maury dans son blogue Journal d'un lecteur. Il y a quelques jours, j'apercevais ledit livre sur les étalages d'une bouquinerie montréalaise. Armé de ma volonté naturelle à lire l'ouvrage que je viens d'acheter (volonté alimentée notamment par le fait que j'ai entre mes mains un très bel objet; et l'on continuera de saluer le travail de l'équipe de conception et de design des éditions Zulma), j'ai compris que la magie n'opérerait pas. Après 130 pages lues, me voilà forcé d'abandonner.  

Aux premières pages tout va bien. Se déroulent quelques rencontres entre le héros et des protagonistes tirés d'un monde plus imaginaire que réel, de l'action continue à même ces rencontres, certaines d'entre elles mêlant la littérature fantastique au roman initiatique. De plus en plus, je réalise que ce livre n'est pas mon genre. Cependant, je ne démords pas de ma lecture, résolu à vouloir continuer... jusqu'à l'apparition d'un ogre vers la centième page. Bien que décrites avec aplomb, les péripéties du héros ne manquent pas de me rappeler celles d'un certain Indiana Jones. Affrontements et empoignades sont développés sur un plan plus incarné que métaphysique. On ne pourra pas reprocher à l'auteur de recourir à une langue riche, aux embellissements dignes du prosateur-conteur démystifiant qu'il peut être. Ce livre serait-il un roman pour jeunes gens? Impossible pour moi de répondre avec certitude, j'ai lu très peu de romans pour jeunes, je veux dire des romans pour « gens moins âgés ». Car la littérature, on le sait, fait fi de l'âge, et l'âge, lui, n'est qu'un fiction. Au final, il s'avère que Le garçon de Marcus Malte n'était pas pour moi, ou peut-être n'était-il pas de mon âge. S'il vous enchante, je m'en réjouis! — Aimez-le pour moi.  



samedi 28 janvier 2017

Fermeture d'HMV, la fin d'une épopée

Le 16 novembre 1995, on m'embauchait au magasin de disques HMV, à la succursale du Carrefour Laval. Mon poste : disquaire classique et jazz. C'était le moment pour moi de faire mes preuves en musique, mon premier amour. À mon premier quart de travail, Sophie et Gabriel m'accueillaient comme si j'étais depuis longtemps attendu. Bien que je sortais de huit années de service au sein de la multinationale du hamburger McDonald's, je connaissais passablement bien la musique, n'ayant cessé depuis l'enfance de me gaver de livres et d'encyclopédies sur les compositeurs et l'histoire du rock, et surtout d'auditions musicales répétées, achetant chaque semaine une quantité considérable (pour mon jeune âge et mes maigres finances) de vinyles et de disques compacts. À mon premier quart de travail, à peine avais-je rencontré mes collègues que Sophie, disquaire et spécialiste de musique électronique, m'invitait au spectacle de Marie Carmen, qui se tenait deux jours plus tard au Centre Pierre-Péladeau. J'acceptais sans ambages, et lorsque je lui demandais quel était le prix des billets, sa réponse m'étonnait comme si elle venait de m'annoncer la venue d'extra-terrestres : « C'est gratuit Claudio, ce sont des billets de faveur ! » C'est alors que je réalisais que ma vie changeait, que j'avais enfin trouvé ma place, en d'autres mots que la vie voulait bien de moi. Peu à peu, j'entrais dans le royaume délicieux des disques et de la musique, antre céleste du musicien-mélomane. Au bout de deux ou trois semaines, je consommais de la musique à satiété, allant de concerts en lancements d'albums, en passant par d'innombrables évènements mondains qui m'élevaient au rang de jet-setter accompli. Pour l'une des premières fois de ma vie, j'étais heureux.  

Hélas, cette belle aventure prenait fin plus tôt que prévu. Éric, mon patron, avait reconnu mon leadership, mon charisme rassembleur. C'est pourquoi il tenait absolument à ce que je gravisse les échelons de la compagnie. Comment lui dire que c'est exactement ce type de poste, le  poste de cadre, de gestionnaire, qui me révulse au plus haut point. Comment expliquer à celui qui m'avait embauché que je ne voulais plus faire partie d'une équipe de gestion. Incapable d'exprimer la répugnance que m'inspirait sa proposition, je feignais de m'y intéresser. Hélas, assez vite, mon corps commençait à m'envoyer des signes, lui qui éprouvait de plus en plus de difficultés à s'extraire du lit le matin.  En quelques semaines, j'accumulais quantité de retards. Puis un matin en semaine c'en était trop. Je n'en pouvais plus, le patron non plus, lui qui m'affectionnait sincèrement et qui n'aurait jamais osé me congédier — ce qui avait pour effet de décupler passablement mon sentiment de culpabilité. Après onze mois de travail, qui me paraissaient comme des années tant l'expérience au sein de cette belle équipe représentait un jalon pour moi, je quittais contre gré HMV. D'une part libéré, d'une autre plombé par l'impression douloureuse d'avoir laissé tomber mes collègues. 

Une chose est certaine, HMV m'a donné des ailes, ou plutôt m'a donné celles qu'on m'avait enlevées. Je n'ai jamais regretté d'avoir quitté, bien que j'ai longtemps déploré les circonstances de mon départ. 


J'ai été disquaire au moment où la profession connaissait son apogée. C'était l'époque où YouTube, Deezer et Wikipédia n'étaient encore qu'au stade d'imagination. Chaque jour ou presque, il fallait deviner la mélodie fredonnée par un client qui chantait faux, ou honorer la demande d'une quarantenaire blonde platine à la recherche d'une chanson dont le refrain commençait par love. Nous avons beaucoup ri, je l'affirme sans nostalgie, ou presque. 

Aujourd'hui, HMV tire sa révérence, et moi je lui dis Merci que nous chemins se soient croisés ! 

Cliquez pour lire l'article du Soleil sur la fermeture de HMV. 

mercredi 25 janvier 2017

De la modulation — entre automobile et littérature

Ampli Marantz 2240b et table tournante PS-11, instruments de recueillement
Il se pourrait que je publie à l'avenir  des billets un peu plus personnels. Il se peut aussi je commente plus régulièrement tout ce qui se passe dans le monde de l'automobile. Vous êtes plusieurs à le savoir, j'aime les autos. Si bien que cette vieille passion est en train de devenir un métier. Du traducteur au rédacteur automobile, en passant par le musicien, il n'y a qu'un seul pas, soit la passion pour modus vivendi.  


BMW 635csi 1986 aperçue dans le Mile End (non, ce n'est pas la mienne, hélas!)
Je songe de plus en plus à créer une page  exclusivement pour l'automobile. Ainsi, mes lecteurs « littéraires » (lire  : mes lecteurs littéraires qui n'en ont rien à cirer de l'automobile) n'auront pas à essayer de déchiffrer l'argot mécanique et ses termes motoristes. La réciproque tient de même, ainsi l'amateur automobile pourra faire fi des articles qui commentent mon dernier coup de foudre littéraire ou musical. Au reste, j'ose croire que je ne suis pas le seul qu'attire les pôles quasi paroxystiques que sont la musique, la littérature, le cinéma et l'automobile. 

Enfin, sachez que je suis ouvert aux propositions de titres pour mon blogue automobile. Une excellente semaine!



lundi 23 janvier 2017

Nelly (le film), de Anne Emond

Hier, une amie et moi étions au cinéma Beaubien pour voir Nelly, le dernier film d’Anne Émond. Parce qu'il m'est permis, ici et ailleurs, d'être absolument honnête, je dirai que durant la première moitié du film, me vint à quelques reprises l'envie de quitter la salle. Parce que l'on connaît la destinée tragique de la romancière, il est normal qu'on s'attende à voir un film dense, grave, sombre. Or, mon attention était au comble lorsque je réalisais combien, d'un plan-caméra à l'autre, la magie tardait à venir. Ponctués de silences vides, de zoom in sirupeux et d'autres effets qui tergiversent entre le trop et le pas assez, les trente ou quarante premières minutes s'écoulent sans le moindre cantabile. Qui appuie trop fort ralentit la machine. Ainsi, ce que l'on eut dû reconnaitre comme un effet dramatique se traduisait en effusions larmoyantes, si bien que j'avais parfois  l'impression de regarder un téléfilm. Entretemps, les dialogues soporifiques empiraient passablement les choses. Je le dis sincèrement, la première mi-temps fut pénible pour moi.

Heureusement, la deuxième se veut nettement plus solide. C'est là que les dialogues et la direction d’acteur trouvent une certaine assise. L’équipe de tournage réchauffée, l’équilibre rythmique plus stable, la seconde moitié du film parvient enfin à montrer ce que l'on attendait, soit le désespoir et la détresse de Nelly Arcan. Nelly doit presque tout au travail de Mylène Mackay, qui incarne l'écrivaine avec sensibilité. À quelques reprises, la réalisatrice Anne Emond recourt au flashback pour évoquer l’enfance de l'écrivaine, où le rôle de Nelly enfant est interprété avec brio par Mylia Corbeil-Gauvreau. 

En outre, l’intégralité des scènes dans les bars, où la fumée, l’alcool et le sexe sont étalés de façon trop consistante pour traduire le désespoir qui les a inspirées, sont de mauvais goût. Elles auraient sûrement révulsé la romancière. Idem pour la rencontre du quatuor de prostituées, rencontre trop ringarde pour qu'on y croie. 


Après le film, mon amie et moi étions dans un bar à siroter un verre. Je ne pensais pas revenir au film, lorsque, entre deux gorgées, nous discourions d'une scène réussie entre toutes, celle où Nelly enfant se fait tirer au tarot.

Pour conclure, la meilleure façon de connaître la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, c'est de lire ses livres. 

Salon de l'auto de Montréal, édition 2017

Fiat 124 2017 (Photo : François Lacasse)
La semaine dernière, deux fois plutôt qu'une, je me suis arrêté au Salon de l'auto de Montréal. En effet, MSN Autos m'a donné le mandat de sélectionner les 20 plus belles voitures du Salon, mandat aussi plaisant que difficile, parce que, on s'en doute, le choix de véhicules est plus qu'abondant (que jamais?). En attendant la parution de l'article, soit d'ici les prochaines heures, voici quelques bolides sur quatre roues perpétués par le talent du photographe François Lacasse. 

Pour connaître mes impressions plus exhaustives du Salon, cliquez ici.

Le Salon de l'auto se déroule au Palais des congrès de Montréal, jusqu'au 29 janvier.  


Acura NSX 2017, supercar hybride nippon (Photo : François Lacasse)
Mercedes-Benz G550 Squared  (photo : François Lacasse)
Lexus LF-LC concept (Photo : François Lacasse)

jeudi 5 janvier 2017

Bilan de l'année 2016 en lecture

Alors voilà, un (bref) tableau de mes lectures de l'année.

Oona et Salinger  (F. Beigbeder)    Excellent -
À l’ombre des jeunes filles en fleurs  (Proust)  Exceptionnel
L’invention de la solitude  (Auster)      Très bon +
Immersion (Paul Nizon)  Excellent
Dans les années profondes    (Pierre Jean Jouve)   Très bon +
Les villes invisibles  (Calvino) Très bon
Le bonheur conjugal    (Tolstoï) Excellent -
Océan Mer    (Baricco)    Très bon
Le livre de sable  (Borges)   Excellent
W ou le souvenir d’enfance  (Perec)   Très bon
Mémoires d’une jeune fille rangée (Beauvoir)  Excellent  
Une chambre à soi     (V. Woolf)     Excellent +
Thérèse Raquin   (Zola)   Excellent -
Les souffrances du jeune Werthe    (Goethe)    Excellent
Vie secrète  (Pascal Quignard)    Exceptionnel
Un beau ténébreux   (Julien Gracq)   Excellent
Les injustices de la vertu  (Sade)   Bon +


Une maigre année de lecture - seulement 17 titres. Mes meilleurs coups de l’année sont À l’ombre des jeunes filles en fleurs (deuxième lecture, à quinze ans d'intervalle de la première) et surtout Vie secrète de Pascal Quignard. De ce livre, je pourrais extraire des dizaines et des dizaines de passages, où richesse magique, pureté et vérité (tous des pléonasmes, vous me pardonnerez) abondent magnifiquement. 

J'adore relire, et j'ai eu un immense plaisir à relire L'invention de la solitude, Océan Mer, et À l'ombre des jeunes filles en fleurs. 

Comment exprimer ma gratitude d’avoir pu lire cette années quelques classiques qui manquaient honteusement à ma culture, je pense à Werther de Goethe, aux Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, à Une chambre à soi de Woolf.

Non, ce n’est pas le temps de lire qui m’a manqué, mais une certaine disponibilité intellectuelle et spirituelle. En effet, l’année 2016 s’avéra plus musicale que les précédentes, avec le retour merveilleux du piano. Il y eut aussi quelques rencontres amicales qui m’ont dérobé de la solitude propre à la lecture.

Que l’année 2017 soit excitation puissante – pour ne pas dire permanente – folie merveilleuse, action et prise de décision plus que tergiversation et hésitation. 

P.-S. Merci à l'ami Raphaël de m'avoir fait découvrir l'excellent Julien Gracq.